Intérêts
des graines.
( d’après Hubert Lachize )
Les
carpistes utilisent tous des graines pour l’eschage ou même seulement pour
l’amorçage. Mais quand ils emploient des graines, la plupart ne s’intéressent
à rien d’autre que le temps de cuisson ou à la quantité nécessaire pour
l’amorçage. Peu d’entre eux savent exactement, par exemple, ce que sont une
arachide ou un pois chiche et quelle est leur valeur réelle. Pourquoi dans
certaines conditions, l’une de ces graines peut-elle être meilleure que
l’autre ? D’où proviennent-elles et quelle est leur utilité véritable ?
Toutes ces questions sur leurs caractéristiques et leur histoire sont pourtant
importantes pour la pêche.
Qu’est-ce
qu’une graine ?
Hormis
l’intérêt économique des graines qui peut amener à les préférer aux
bouillettes, bien d’autres qualités plaident pour leur utilisation. Les
graines ont la remarquable faculté de se conserver en état de vie ralentie
pendant des années. La longévité de telle ou telle graine dépend évidemment
de l’espèce et surtout des conditions de conservation. Ainsi, leur déshydratation
constitue un facteur clé pour celle-ci. Les graines dont les réserves sont de
nature lipidiques (graisses), comme
l’arachide, on une durée de vie d’environ un an, avant qu’elles ne
rancissent. Mais la plupart de nos céréales (blé, maïs, etc.) ont des réserves
de nature glucidique (sucres lents),
ce qui explique leur longévité. C’est pour cela d’ailleurs qu’elles représentent
50% de la nourriture de l’humanité. Les légumes secs (haricots, pois,
lentilles, pois chiches, etc.) constituent également une source importante de
nourriture, un apport de glucides et surtout de protéines. Les oléagineux
(arachide, soja, noix, tournesol, etc.) fournissent nos huiles culinaires.
C’est dans cette diversité qu’il nous faut puiser l’essentiel.
À
chacune son heure !
En
raison de la diversité de leurs goûts, formes, tailles, couleurs, mais aussi
de leurs valeurs parfois complètement opposées, nous avons la possibilité
d’associer à un moment de l’année, à un plan d’eau, à l’humeur des
carpes, et à nos propres envies. Et de surcroît, de le faire de manière à ce
que les qualités des unes compensent les défauts des autres. Un exemple très
probant est constitué par l’association de micrograines comme le chènevis
avec des graines plus volumineuses comme l’arachide, la noix tigrée ou même,
à l’extrême, la fève.
Les
micrograines.
Grâce
à leur petite taille, les micrograines présentent l’avantage d’obliger les
carpes à rester très longtemps dans le périmètre pour « picorer »,
si on arrose bien le poste. Et comme elles vont rester sur place, il y a plus de
chances pour qu’elles s’intéressent aux esches que vous leur présentez sur
l’hameçon. Certes, par sa taille, une micrograine va aussi intéresser toutes
les espèces de cyprinidés présents dans le plan d’eau, alors qu’à
l’inverse aucun gardon ne va vouloir d’une fève, sauf peut-être s’il est
génétiquement modifié. Mais cet inconvénient va devenir une qualité car
beaucoup de petits poissons vont venir festoyer et les vibrations générées
par ce remue-ménage vont être perçues par les carpes qui rodent aux alentour
en recherche de nourriture. Bien qu’à certaines périodes de l’année les
carpes ne rechignent pas à engamer toutes les sortes de graines qu’on leur présente,
à d’autres moments il faut être plus perspicace pour déclencher leur appétit.
Le tout est de comprendre quelles graines il faut associer en fonction de l’époque
et du plan d’eau, et ceci passe nécessairement par une connaissance plus
approfondie de chacune d’entre elle.
De plus, comme certaines graines renferment des alcaloïdes (1) (le
lupin par exemple) ou peuvent être affectées par des toxines (comme
l’aflatoxine
de l’arachide), il est fortement conseillé de savoir quels sont ces
poisons médicamenteux. On saura alors comment les détruire ou, à défaut, en
réduire la toxicité, de manière à éviter tout problèmes, surtout dans les
plans d’eau de faibles superficies.
Graines
germées : la technique du troisième millénaire.
Les
graines germées sont très nutritives, car c’est dans ce germe que se trouve
la totalité des éléments nutritifs nécessaires au développement de la
plante. L’endosperme
(sac embryonnaire) de la graine est l’entrepôt des protéines, de
l’huile et des hydrates de carbone. Lors de la germination de la graine, tous
ces composants se transforment en des aminoacides prédigérés et en sucres
naturels dont l’embryon se nourrit à mesure que la plante se développe et
jusqu'à ce qu’elle soit à maturité. En ce qui concerne l’alimentation
humaine, des recherches ont montré que l’on trouve dans les graines germées
jusqu’à cent fois plus de vitamines et de minéraux, et que leur valeur
nutritive est considérablement
accrue. A contrario, plus l’on fait cuire les graines, plus la perte en
vitamine est importante. Le chènevis est la seule graine que les carpistes font
germer. Pourquoi ne pas en faire de même avec d’autres ? En principe,
pour faire germer des graines, il faut suivre le protocole simple mais
relativement strict qui suit.
Comment
faire germer des graines ?
Mettez
la quantité désirée de graines à faire germer dans un récipient, rempli à
moitié d’eau tiède, couvrez avec une toile (style
moustiquaire). Placez-le tout dans un endroit sombre, à la température de
la pièce, durant une demi-journée environ (certaines
graines à cause de leur dureté demanderont un trempage plus long).
Ensuite, égouttez les et rincez les, puis laissez les reposer au sec
durant douze heures.
Rincez les à nouveau et égouttez les bien pour éviter qu'elles ne
pourrissent. Durant les jours suivants, les graines doivent être rincées et égouttées
tous les jours avec de l’eau tiède. Maintenez les à l’abri de la lumière
et à température ambiante. Pour les puristes, à la fin il faudrait en fait
exposer les graines à la lumière du jour pour augmenter leur teneur en
chlorophylle. Attention aux récipients choisis, car certaines graines une fois
germées peuvent presque décupler leur volume. Si la quantité de graines à
faire germer est faible (seulement pour
l’eschage), le plus simple est de mettre quelques graines dans du coton
constamment imbibé d’eau, le tout dans le noir. Notez que les germes ne
doivent pas être plus grand que la graine elle-même pour que le goût reste
agréable. Ces
techniques sont celles utilisées pour la germination des graines pour
l’alimentation humaine (arachide, pois chiche, blé, sarrasin, tournesol,
millet, haricots, soja, etc.).
Le
facteur limitant.
Voici
comment, grâce à un mélange judicieux de graines, faire en sorte que mathématiquement
1+1=3. L’explication se trouve tout simplement dans la composition de chaque
graine. Ce qui est vérifié scientifiquement pour l’alimentation humaine peut
certainement être adapté à la carpe, poisson omnivore par nature. De toute
manière tout être vivant a sensiblement les mêmes besoins pour vivre et se développer
(protéines, hydrates de carbone, lipides,
vitamines, ologo-éléments, etc.).
Sur les 22 acides aminés qui composent les protéines, 8 sont appelés
« acides aminés indispensables » pour la simple raison qu’ils
font partie des besoins vitaux. Cependant, comme le corps ne les synthétise
pas, il faut donc les chercher dans la nourriture appropriée. Ces acides aminés
doivent être présents ensembles et en proportions correcte pour que
l’assimilation
des protéines soit complète.
Il suffit qu’un seul d’entre eux soit en proportion inférieure par
rapport à la protéine de référence pour qu’il devienne l’acide aminé
limitatif ou « facteur limitant ». Il empêchera alors
l’assimilation des protéines et diminuera en partie la fonction bénéfique
des autres acides aminés, même si ceux ci sont présents
en quantité supérieure aux besoins vitaux.
C’est pourquoi il paraît judicieux de mélanger des graines de céréales
et de légumineuses pour obtenir un ensemble protéique dans lequel aucun des
acides aminés essentiels ne manque. Ce mélange constitué prouve que le tout
est plus important que la somme des parties. En clair, une carpe qui se nourrira
chaque jour d’un mélange calculé de deux graines sur votre poste assimilera
40% de protéines en plus que si elle se nourrit un jour avec une graine et le
lendemain avec l’autre. L’animale comme l’homme ne sachant pas stocker les
protéines, la « complémentation » ne sera efficace que si les deux
protéines (céréale et légumineuse)
sont assimilées en même temps. Sinon les acides aminés non utilisés pour des
synthèses seront brûlés en production d’énergie. Ainsi pour fournir un mélange
protéique, les haricots riches en lysine, mais faibles en méthionine peuvent
être mélangés avec le blé qui en contient en proportions strictement
inverses. Tout cela peut sembler relativement compliqué, mais, en fait, il ne
s’agit ni plus ni moins que de diététique équilibrée.
Derniers
petits conseils.
Pour la cuisson de vos graines, bannissez à tout jamais les casseroles en aluminium, car elles ont tendance à donner un goût aux graines. Même si vous ne le sentez pas, les carpes, elles, y seront sensibles. Evitez aussi de parfumer les graines. Ca n’a aucun intérêt, puisqu’elles ont leurs propres odeurs. Il est évident que, vu notre sens olfactif, nous avons l’impression que les graines sont complètement inodores. Pour avoir la preuve du contraire, sentez l’eau de trempage ou de cuisson et vous constaterez une odeur bien nette. De plus, en parfumant les graines, vous risquez de faire un mélange d’odeurs qui détournera les carpes de vos bouillettes. Ne négligez pas non plus le fait que dans certains cas, une surabondance d’odeurs (différentes) peut nuire.
(1)
Alcaloïdes. Ce sont des substances azotées qui ont le plus souvent des propriétés pharmacologiques et qui généralement donnent un goût amer. Elles présentent aussi très souvent une très grande toxicité. Les plus connues sont la morphine, la nicotine, la strychnine, et la quinine.
(2)
Hétérosides. Ce sont des produits ressemblant à des sucres, dont certains sont toxiques tout comme les alcaloïdes. Parmi les plus connus, on compte la digitaline et la convallatoxine (muguet).